Le plus beau métier du monde

« Je vous ai accordé une salle. Une salle, vous savez, ça n’a pas de prix. C’est la 229, bâtiment G. G229. Allez chercher la clé chez la concierge. Bon, je crois que cet entretien est terminé. Nous nous croiserons souvent désormais. Bienvenue ici. » Je remercie le proviseur, mais il ne m’écoute déjà plus. Un proviseur, ça a beaucoup de choses à penser. Un prof, non… Un prof, ça ne pense qu’à une chose, ses classes. (…) Puis soudain, il est de nouveau là, présent. Il me fixe. Il dit : « Le plus dur, dans le métier, vous savez, c’est de manier le on et le je. » Je réponds que, euh, je ne suis pas sûr de comprendre. » « C’est une institution, l’école. Vous entrez dans un bulldozer. Il faut arriver à en devenir membre sans perdre son individualité. Ce n’est pas aussi facile qu’on le croit, vous verrez. Le on et le je. Réfléchissez-y. Bonne chance ! »

Et il en a eu, de la chance, le narrateur du roman de Jean-Philippe Blondel intitulé G229 qui vient de paraître à Paris chez Buchet-Chastel, pendant les 20 années durant lesquelles il a enseigné l’anglais en terminale dans le même local d’un bahut de province dont les élèves ont évolué sans cesse avec le monde, quand celui des profs tardait si souvent à l’allumage…

Car tout était là pour éventuellement le contrarier : un management qui manage mollement, des collègues qui s’encroûtent dans leurs peurs et/ou leurs certitudes, le personnel auxiliaire d’éducation qui ronronne, l’administration qui flanche, les révolutions pédagogiques qui passent tandis que lui (fils d’enseignant, of course !) reste et vieillit gentiment, dans sa tête et dans son corps, en conservant quelques utopies au fond du crâne et du cœur : l’attention aux autres et l’empathie avec des élèves qui changent chaque année, mais ont toujours 17 ans et, mutatis mutandis, les mêmes rêves, les mêmes soucis et le même humour potache …

Mais il a fait son trou dans son local dont les bancs sont disposés en U, une agréable tanière où la vie va son petit bonhomme de chemin et où le temps fait son œuvre plutôt belle.

Une accorte leçon d’optimisme sous une plume attentive et amusée qui rappelle celle de l’excellent Louis Pergaud…

PÉTRONE

G229 par Jean-Philippe Blondel, Paris, Éditions Buchet-Chastel, hanvier 2011, 240 pp. en noir et blanc au format 11,5 x 19 cm sous couverture brochée en couleurs, 14,50 € (prix France)

Date de publication
mercredi 26 janvier 2011
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