Morts au champ d’horreur…

Docteur en histoire, Emmanuel Saint-Fuscien enseigne à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales à Paris. Il a publié, rédigé avec Damien Baldin qui donne des cours sur l’histoire de la Première Guerre mondiale dans la même institution, un remarquable essai intitulé Charleroi – 21-23 août 1914 paru chez Tallandier en 2012, mais toujours disponible à la vente.

On se souviendra que Pierre Drieu la Rochelle, qui avait participé à la bataille dite des frontières entre la 5e armée française commandée par le général Lanrezac et la IIe armée allemande sous les ordres du Generaloberst von Bülow, en avait fourni une relation dantesque dans La Comédie de Charleroi, un texte qui pointait avec cynisme et désespoir aussi bien l’incurie de l’état-major de Joffre que l’impréparation des troupes françaises dont les pantalons garance, hérités de 1870, faisaient des cibles de choix et dont l’armement vétuste était inefficace contre les mitrailleuses et les canons allemands.

Nos deux historiens appuient ses dires quant à la puissance de feu des troupes du Reich et ils démontrent en outre la supériorité tactique des généraux du Kaiser en matière de progression systématique et d’engagement au combat.

Karl von Bülow (1846-1921)

Avec un grand sens pédagogique et dans un style d’une belle limpidité, ils décrivent par ailleurs les événements dans les moindres détails, expliquent les erreurs, les aveuglements ou les traits de génie de l’un et l’autre camp tout en rendant justice au général Charles Lanrezac qui, parce qu’il avait compris que son armée risquait de se faire encercler par trois armées allemandes, décida seul le 23 août, en dépit des ordres de Joffre – (adepte passéiste de l’offensive à tout prix), le recul de ses troupes qui purent ensuite enrayer la progression de l’ennemi à l’issue de la bataille de Guise.

Charles Lanrezac (1852-1925)

Lanrezac contribua ainsi indirectement à la victoire ô combien décisive sur la Marne, quelques jours plus tard. Il fut néanmoins limogé le 3 septembre 1914 et remplacé par Louis Franchet d’Esperey. On lui reprochait entre autres son esprit critique et sa mésentente avec le maréchal anglais French. Désabusé, Lanrezac refusa en 1917 le poste de major général des armées que lui proposait Paul Painlevé, alors ministre de la Guerre.

Il y a 100 ans, la bataille de Charleroi se solda par la mort d’au moins 20 000 soldats français et allemands…

Une commémoration s’impose, à tout le moins par la lecture de l’ouvrage magistral d’Emmanuel Saint-Fuscien et Damien Baldin !

PÉTRONE

Charleroi – 21-23 août 1914 par Damien Baldin et Emmanuel Saint-Fuscien, Paris, Éditions Tallandier, collection « L’histoire en batailles », août 2012, 224 pp. en noir et blanc au format 13 x 20 cm sous couverture brochée en couleurs, 18,50 € (prix France)

Date de publication
mercredi 25 juin 2014
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