« Un Céline en toge… »

Scénarisé par le journaliste français Jean-Charles Chapuzet sur la base d’une interview du célèbre avocat recueillie au soir de sa vie, l’album Vergès – Une nuit avec le diable paru chez Glénat à Grenoble et illustré par Guillaume Martinez se veut une interprétation du parcours pour le moins étrange du fameux tribun du barreau.

Jacques Vergès, né probablement le 20 avril 1924 au Laos, officiellement le 5 mars 1925 à Ubon Ratchathani, au Siam (actuelle Thaïlande), et mort le 15 août 2013 à Paris, était un avocat, militant politique et écrivain franco-algérien.

Fils du docteur Raymond Vergès[1], consul de France à Ubon Ratchathani (Siam), et de Pham Thi Khang, institutrice vietnamienne, Jacques Camille Raymond Vergès est le frère aîné (ou demi-frère) de Paul Vergès[2].

Après le retour de son père à La Réunion, Jacques Vergès est scolarisé au lycée Leconte-de-Lisle, dans la même classe que Raymond Barre, t il passe son baccalauréat en 1940 avant de s’engager dans la Résistance, en 1942, puis de passer en Angleterre, où il s’engagea dans les Forces françaises libres (FFL), le 22 janvier 1943.

Arrivé à Paris, Jacques Vergès adhéra, en 1945, au Parti communiste français.

En 1950, à Prague, Jacques Vergès fut élu membre du bureau du Congrès de l’Union internationale des étudiants comme représentant de la Réunion et non de la France, ce qui lui valut quelques remarques du PCF. En 1952, il devint secrétaire du mouvement, où, sous l’impulsion du soviétique Alexandre Chélépine, futur chef du KGB, il s’engagea sur la voie de l’anticolonialisme. Il reste sur place jusqu’en 1954.

Inscrit alors au barreau de Paris en 1955, il se présenta l’année suivante au concours de la conférence du barreau de Paris et en devint premier secrétaire de la conférence (promotion 1956-1957).

Il quitta le PCF en 1957, jugeant le parti « trop tiède » sur la question de l’indépendance algérienne.

Pendant la guerre d’Algérie, il milita pour le Front de libération nationale (FLN) et défendit ses combattants, se voyant surnommé « Mansour » (« le victorieux »).

Jacques Vergès fut notamment l’avocat de Djamila Bouhired, militante du FLN capturée par les parachutistes français, torturée puis jugée et condamnée à mort pour attentat à la bombe durant la bataille d’Alger, notamment au Milk-Bar (cinq morts et soixante blessés, dont beaucoup de civils). Il écopa d’un an de suspension pour indiscipline en 1961 et réchappa d’une tentative d’assassinat. Sa cliente devint pour quelques années son épouse et ils ont eu deux enfants.

À l’indépendance de l’Algérie, en 1962, Jacques Vergès s’installa à Alger, prit la nationalité algérienne et devint le chef de cabinet du ministre des Affaires étrangères.

Il rencontra le dictateur chinois Mao Zedong en mars 1963 et se rallia aux thèses maoïstes. Il fut alors destitué de ses fonctions et dut rentrer à Paris.

À partir de la fin des années 1970, recourant régulièrement à la « stratégie de rupture », il plaida de grandes affaires sur un ton retentissant, parmi lesquelles on pointera celles :

– du terroriste Carlos puis de sa compagne Magdalena Kopp ;

– du nazi Klaus Barbie, ancien chef de la section IV (Gestapo) surnommé « le boucher de Lyon » ;

– d’Omar Raddad (« Omar m’a tuer ») en 1994 ;

– de Slobodan Milošević (mais celui-ci avait fini par ne pas le choisir comme avocat devant le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie – TPIY) ;

– Tarek Aziz, ministre des Affaires étrangère de Saddam Hussein ;

– Cheyenne Brando, fille de l’acteur Marlon Brando ;

– Khieu Samphân qui sera l’un des trois dirigeants khmers rouges jugés pour leurs crimes (Jacques Vergès le connaissait personnellement, ainsi que Pol Pot, depuis leur jeunesse dans le Quartier latin à Paris).

Notons que de 1970 à 1978, Jacques Vergès a disparu sans laisser de traces. Il a toujours entretenu le mystère sur cette période.

Le 15 août 2013, alors hébergé chez sa compagne Marie-Christine de Solages à l’hôtel de Villette, Jacques Vergès succombe à une crise cardiaque dans la chambre même où mourut Voltaire.

Collectionneur de jeux d’échecs et fumeur de havanes, il mourut ruiné et Le montant de ses obsèques aurait été réglé par l’ordre des avocats de Paris[3].

Le récit d’une vie hors du commun !

PÉTRONE

Vergès – Une nuit avec le diable par Jean-Charles Chapuzet et Guillaume Martinez, Grenoble, Éditions Glénat, septembre 2022, 132 pp. en quadrichromie au format 24 x 32 cm sous couverture cartonnée en couleurs, 22,50 € (prix France)


[1] Raymond Vergès, né et mort à Saint-Denis de La Réunion (15 août 1882 – 2 juillet 1957) était un ingénieur, médecin et homme politique français, élu de La Réunion.

[2] Paul Vergès, né le 5 mars 1925 à Ubon Ratchathani et mort le 12 novembre 2016 à Saint-Denis (La Réunion), était un homme politique français. Fondateur du Parti communiste réunionnais (PCR), plusieurs fois élu local (conseiller général, maire du Port, président du conseil régional de La Réunion), il fut député à trois reprises sous la Quatrième et la Cinquième République, député européen de 1979 à 1989 et de 2004 à 2007, et sénateur de 1996 à 2004 et de 2011 à sa mort, en 2016.

[3] Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Verg%C3%A8s

Date de publication
mardi 27 septembre 2022
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