« N’ayant plus rien à perdre, continuons gaiement… » (Jean-Pierre Verheggen)

Grand maître de l’humour et de la dérision dans des créations mémorables, parfois primées à l’insu de son plein gré[1], l’écrivain et poète belge Jean-Pierre Verheggen est né le 6 juin 1942 à Gembloux, ce qui lui fera 81 ans aux prunes.

Cet âge qu’on dit grand (à en croire Franz Hellens), Jean-Pierre Verheggen, dans Le sourire de Mona Dialysa (Paris, Gallimard), en fait l’inventaire – l’état des vieux, dit-il – sur le mode de la plaisanterie, s’agissant de lui-même, essoufflé, malade du cœur et du crabe, et désormais sous dialyse…

Pas question toutefois pour notre homme de pleurnicher dans le gilet de quelque porteur de soutane ou autre druide à potion magique, il préfère s’émerveiller devant le sourire doux, empathique et bienveillant de l’infirmière qui le tuyaute chaque semaine à la machine purificatrice avant de se lancer, comme à l’accoutumée, dans des trouvailles verbales ironiques et foisonnantes, « pour tuer le temps ».

Bien sûr, il eût préféré choisir ses égrotances, par exemple la rougeole du coude ou l’arthrose du nombril, et avoir conservé la possibilité d’encore lire les aventures de Tintin en dépit de sa propre date de péremption, mais il rendra visite à l’ex-journaliste dans son ehpad, ainsi qu’au capitaine Haddock qui, en dépit de son Alzheimer, aura quelques fulgurances dans l’invective contre le personnel soignant : « Narcotiques bourreaux », « soigneurs rouf-rouf », « chargés de miction secrète », « pousse-pilule »…

Toujours est-il qu’en attendant la mort, on ne l’est pas, et la sagesse des Anciens puisée dans leurs écrits majeurs demeure pour Jean-Pierre Verheggen une consolation, à l’instar de :

Pro bono : Ah ! C’était des pros, la bande à Bonnot. (Lucrèce, L’Art du braquage en ville et à la périphérie urbaine, XII, 12)

Celerius quam asparagi  cocunctur : Avec un céleri et deux asperges, tu te concoctes un sacré bon potage. (Bocusus, La Soupe pour tous. Recettes populaires, pp. 61 sq)

Qualis artifex pereo : Ah ! Quel beau paréo, on voit ses fesses et son petit zéro. (in Térence, Vie de Plastic Bertrand, XXIV, 19)

Vox clamant in deserto : des voix réclamaient le dessert. (Plaute, op. cit. XX, 11)

Jean-Pierre Verheggen

Et, avant d’aller à la postérité (contrairement à Alphonse Allais qui voulait aller hériter à la poste), notre auteur sagace de nous livrer quelques observations bien utiles :

– Si vous avez une araignée dans le plafond, dites-vous bien qu’elle est mieux là que dans votre pantalon !

– Hiatus en été, y a tousse en hiver !

Avant de conclure :

– Assez ! Fini tout ce chambard, ça suffit, il est 6 heures du mat’, ça commence à bien fête !

Une magnifique leçon de vie…

PÉTRONE

Le sourire de Mona Dialysa par Jean-Pierre Verheggen, Paris, Éditions Gallimard, mai 2023, 96 pp. en noir et blanc au format 14 x 20,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 14,50 €

ŒUVRES DE JEAN-PIERRE VERHEGGEN

Bravo ! (1981)

La Grande Mitraque (1995)

Le Grand Cacaphone (1974), préface de Géo Norge

Le Degré Zorro de l’écriture (1978)

Divan le Terrible (1979)

Vie et mort pornographiques de madame Mao (1981)

Ninietzsche, peau d’chien (1983)

Lettre d’amour à Gisella Fusani (1985)

Stabat mater (1986)

Les Folies belgères (1990)

Artaud Rimbur (1990 et 1994 ; prix triennal de poésie 1992)

Pubères, putains, Stabat mater, Porches, porchers (1991)

Orthographe 1er, roi sans faute, avec Nestor Salas (1992)

Ridiculum vitæ (1994)

La Petite mort (1995)

Debord, les mous ! (1996)

Recommandations aux dames (1996)

Les Pieds (1997)

Opéré bouffe (1998)

Entre Zut et Zen (1999)

O.I.E.A.U.X. (1999)

Ridiculum vitæ précédé de Artaud Rimbur, préface de Marcel Moreau (2001)

On n’est pas sérieux quand on a 117 ans : zuteries (2001)

Viallat, l’homo sapiens (2002)

Gisella (2004)

Du même auteur chez le même éditeur (2004)

Le 12 septembre (2005)

Amour, j’écris ton nom, collectif (2005)

Metz in Japan (2005)

Portraits crachés, (2005)

Tremblements (2006)

L’Idiot du Vieil-Âge (Excentries) (2006)

Poème presque poème (2007)

Sodome et Grammaire (2008)

Verheggen-Dola (2009)

Phallus et Morilles (2009)

Le dernier qui sort éteint la lumière et ferme l’aorte (2009)

Poste coïtum, facteur triste (2009)

J’aime beaucoup ma poésie (2010)

Poète bin qu’oui, poète bin qu’non ? (2011)

Les agités du buccal (2012)

Le spectre d’Ottokar (2012)

Aux libres bâfreurs de tripes (2012)

Un jour, je serai Prix Nobelge (2013)

Ça n’langage que moi (2015)

Ma petite poésie ne connaît pas la crise (2017)

Ramages et parlages (2017)

Pubers, pietenpakkersPubères, putains, traduction en néerlandais (2018)

Le Sourire de Mona Dialysa (2023)


[1] En 2009, son L’Oral et Hardi, joué et mis en scène par Jacques Bonnaffé, fut récompensé à Paris d’un « Molière » sans que l’auteur, comme il nous l’a malicieusement raconté, osât expliquer à la très sérieuse presse de l’Hexagone qu’il s’agissait d’une création autour des discours abscons du maire de Champignac prononcés dans les aventures de Spirou et Fantasio.

Date de publication
mercredi 24 mai 2023
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